Quand émotion rime avec éducation.

Notre président a annoncé hier son souhait que chaque élève de CM2 porte la mémoire d’un enfant juif français victime de la Shoah à partir de l’année prochaine. Cette décision fait écho à celle de faire lire la lettre de Guy Môquet dans chaque école, à chaque rentrée. Le moins qu’on puisse dire est qu’elle me met de nouveau mal à l’aise…

Il va de soi que la Shoah fut un épisode épouvantable et inhumain, qui doit être enseigné aux enfants. Mais l’émotion peut-elle aider un enfant (de 10 ans) à grandir, à développer sa capacité de réflexion ? N’assiste-t-on pas là à l’intrumentalisation d’un fait historique (et de l’Education Nationale !) pour des motifs électoraux ?

Il y a quelques années encore, quand on visitait nos pays voisins, on pouvait se féliciter d’avoir en France une presse relativement décente et réservée, davantage portée sur l’analyse que sur le scoop, a fortiori people (ce qui explique peut être d’ailleurs leurs faibles tirages, mais c’est un autre sujet…). J’ai le sentiment que cette spécificité de la presse française tend à s’estomper (il n’y a qu’à voir les déballages récents autour de la vie privée du président). L’émotion me paraît sans cesse, et de plus en plus, utilisée comme argument commercial et électoral… Pourtant, les hommes politiques, les médias, l’Education Nationale ont à mes yeux le devoir commun d’aider au développement de l’esprit de chacun, à sa capacité de réflexion et d’analyse. Esprit dont on est plutôt fier en France d’ailleurs.

Est ce que cette décision va dans ce sens ? J’ai comme un doute. En tout cas quand elle sort dans la bouche de notre président… Mais là je dois faire un procès d’intention… J’imagine que la façon dont les enseignants géreront cette demande sera décisive dans la perception des enfants, mais on peut facilement imaginer les polémiques que cela va engendrer, dans un contexte où les rivalités religieuses sont plutôt du genre exacerbées. Je vois gros comme un maison le Pourquoi les enfants juifs victimes de la Shoah et pas les pauvres enfants palestiniens ?!. Et les enfants-soldats d’Afrique ? Et les enfants de Tchernobyl Et les enfants victimes directes des inombrables guerres ? La liste est sans fin.

Il me semble délicat de faire un cas particulier d’un drame, aussi horrible soit-il, sans mettre en place une forme de concurrence des drames. Ce qu’on avait vu lors de la reconnaissance du génocide des arméniens par l’Assemblée Nationale… Il serait peut être bon de laisser l’Histoire aux historiens, qui d’ailleurs ne demandent pas autre chose.

Ca me fait penser à une discussion que j’ai eue le week end dernier avec deux jeunes chefs scouts travaillant dans un lycée. Ils insistaient sur le fait que l’enseignement de l’instruction civique à l’école y est complétement baclé. Comment s’étonner alors d’entendre des personnes affirmer que le vote ne sert à rien (c’est vrai on serait mieux en Russie, où le parti du président obtient 99% des voix dans certains coins du pays…), ou d’autres voter uniquement en fonction de leur intérêt particulier, sans réflechir une seconde au « pourquoi » de la république et de l’intérêt général ? C’est certes moins vendeur, surtout à un mois des élections (…), mais ça me paraît peut être un chantier plus nécessaire…

Bon allez je retourne bosser.

Un peu plus tard, un article du Monde Diplomatique

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